Lettre Professeur des écoles
Il nous est tous arrivé, comme tout bon apprenti en cuisine, d’ajouter du sel, du vinaigre, des épices ou du sucre pour essayer de rattraper une recette ratée… Mais quand la préparation ne ressemble plus à rien, il faut savoir recommencer en prenant garde de ne pas commettre les mêmes erreurs.
Bien qu’il ne s’agisse pas de cuisine, les « apprentis » qui se succèdent rue de Grenelle ne savent plus quoi ajouter pour rectifier la recette d’un système scolaire qui n’a plus aucune saveur et qui est surtout devenu indigeste. A chaque rentrée ou à chaque nouvelle lune, on ajoute quelque chose pour tenter de remédier à ce qui est devenue irrémédiable.
Que va-t-on inventer demain ? En attendant, on a eu l’idée prodigieuse d’envoyer des PE quelques heures en sixième pour faire ce qu’ils n’ont pas réussi à faire en 5 ans, faute de temps.
« Faute de temps » ? Et oui, il est LÀ le problème !
Il ne s’agit pas de méthodes, de niveau des enseignants ou de manque d’investissement, il s’agit juste qu’on nous fiche la paix et qu’on nous laisse travailler. Mais non… Depuis des années, on est las des demandes de tous genres pour perfectionner, las des formations obligatoires pour améliorer, las des réunions réflexives pour soi-disant trouver des solutions, las des méthodes semi-imposées, des éducations à tout faire, des évaluations chronophages. A tout cela s’ajoutent toutes les missions issues des lubies idéologiques et celles inspirées par les problèmes sociétaux : les APQ (activité physique quotidienne), les EAC (éducation artistique et culturelle), les EDD (éducation développement durable), la laïcité, l’éducation à la sécurité routière, la coéducation, etc. Toujours plus de demandes, de plans, de projets, pour toujours plus de missions avec en parallèle une gestion de classe de plus en plus difficile (et tout cela pour une revalorisation qui n’en est pas une et une pénibilité professionnelle non reconnue pour la retraite).
En attendant, voilà : le temps n’est pas extensible et tous ces temps perdus à tenter d’améliorer les choses s’accumulent. Ce sont des centaines d’heures d’apprentissage de fondamentaux qui disparaissent sous les yeux des professeurs déconcertés au détriment de milliers d’élèves qui en ont besoin. Et le niveau baisse, baisse et il baisse encore. Pour autant pas d’inquiétude ! Demain et après-demain, on trouvera un nouveau truc, un nouveau plan, qui nous sera imposé en quelques semaines et qui viendra s’ajouter encore et encore…
Si on veut vraiment améliorer le niveau des élèves, alors il est temps de changer le logiciel, il est temps de redonner le pouvoir à l’enseignant, le pouvoir de pouvoir organiser son propre temps, le pouvoir de décider pour sa classe, le pouvoir de choisir ses formations, sa méthode. Qu’on nous fiche la paix, les enseignants savent mieux que personne ce dont leurs élèves ont besoin. Qu’on leur refasse confiance !
Christophe GRUSON,
Secrétaire national SNALC premier degré