Lettre Professeur des écoles
Michel, professeur des écoles depuis près de 40 ans, s’est confié au SNALC à quelques mois de la retraite. Il a consacré sa vie à ce qu’il considérait autrefois comme « le plus beau métier du monde ». Mais en regardant en arrière, il ne peut s’empêcher de ressentir une profonde amertume. Ce métier qu’il aimait tant s’est transformé au fil des décennies, au point de devenir éprouvant, presque méconnaissable.
Michel se souvient de ses débuts et de cette liberté qu’il avait pour enseigner. Il concevait ses propres méthodes pédagogiques qu’il adaptait au plus près des besoins de ses élèves et atteignait le plus souvent les objectifs fixés par les programmes. Il se sentait utile, épanoui, et voyait ses élèves progresser. Mais aujourd’hui, cette époque lui semble bien lointaine. Il ne peut que constater les résultats catastrophiques des évaluations nationales et internationales. Pourtant, Michel, comme l’immense majorité des professeurs des écoles, n’a jamais baissé les bras.
Depuis plus de 20 ans, il doit faire face à une avalanche de réformes, souvent imposées sans concertation. Michel se souvient, entre autres, de la réforme des rythmes scolaires, qui a désorganisé son école. Chaque gouvernement, et dernièrement chaque ministre, bouleverse les pratiques pédagogiques et l’instabilité est grandissante. Michel n’en peut plus des modifications incessantes des programmes, qui l’obligent chaque année à revoir ses méthodes sans jamais avoir le temps de les maîtriser pleinement. Depuis des années, il dénonce ces remises en question permanentes et ces injonctions contradictoires qui ont désorienté les enseignants, les rendant incapables de savoir où placer leurs priorités.
Ajouté à cela, depuis 10 ans, Michel doit gérer des classes de plus en plus hétérogènes, avec des élèves en grande difficulté, parfois sans accompagnement adapté. Mais ce qui pèse encore davantage sur ses épaules, c’est le manque de reconnaissance, non seulement salariale, mais aussi sociétale. Les pressions des familles, de plus en plus exigeantes et agressives, ont souvent rendu son métier détestable.
Hélas, cela ne s’arrête pas là : les tâches administratives ont explosé. Enquêtes diverses, évaluations d’école et réunions imposées : Michel a vu son temps de préparation se réduire comme peau de chagrin. Il a souvent dû sacrifier ses soirées et ses week-ends pour boucler ses projets ou répondre aux attentes de sa hiérarchie.
Aujourd’hui, Michel dresse un constat amer. Il a vu des directeurs d’école au bord du précipice. Il a vu ses collègues, notamment les plus jeunes, sombrer dans la désillusion. Beaucoup ont quitté la profession après seulement quelques années, épuisés par des conditions de travail devenues insoutenables. Lui-même, malgré son attachement à ce métier, a parfois envisagé de partir plus tôt ou ailleurs, mais être professeur des écoles n’ouvre pas beaucoup de portes dans le monde du travail.
Il se sent vidé, usé par un système davantage axé sur les chiffres et les apparences que sur la qualité de l’enseignement.
Alors qu’il s’apprête à quitter l’école, Michel ne peut s’empêcher de penser à l’avenir. Il s’inquiète pour les générations d’enseignants à venir, mais aussi pour les élèves qui méritent mieux qu’un système à bout de souffle. Il espère que des changements viendront, que l’on redonnera aux professeurs des écoles la liberté, les moyens et la reconnaissance qu’ils méritent. Mais pour lui, il est trop tard. Le métier qu’il aimait tant n’est plus qu’un lointain souvenir.
Que l’on soit proche ou loin de la retraite, chacun de nous peut se retrouver dans ce qu’a vécu Michel.
Ce métier exigeant et difficile, que nous avons tous choisi, se dégrade au fil des années. C’est pourquoi le SNALC se bat pour redonner à notre école son rôle et sa grandeur.
Le SNALC vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année à tous.
Christophe GRUSON,
Secrétaire national SNALC premier degré
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