Lettre Professeur des écoles
Loin de moi l’idée de comparer le professeur des écoles au lapin, devenu depuis quelques années l’animal de compagnie le plus apprécié des enfants, mais apprécié différemment par les parents qui souvent le préfèrent accompagné d’une bonne sauce moutarde.
Loin de moi également l’image d’un professeur des écoles qu’on attirerait tel un lapin avec une carotte dans le but de le faire rentrer dans une cage…
Non, le seul lapin qui me fait penser au professeur des écoles, c’est celui qui porte une redingote et une montre à gousset… Ce lapin qui court après le temps… Vous me suivez ?
L’Éducation nationale n’est-elle pas elle aussi le pays des merveilles, un pays dans lequel on rejoue sans cesse les mêmes cartes, un pays où les petites réformes finissent par devenir de grands problèmes et à la tête duquel un chapelier fou semble tenir entre ses mains un métier dont nous avons perdu le sens ?
L’institution dans laquelle nous travaillons ne semble-t-elle pas de plus en plus délirante ? Alors que nous ne cessons de nous persuader que nous allons revenir un jour à la raison, le temps passe, tout s’accumule et tout risque de s’écrouler bientôt tel un château de cartes. Ce rêve que nous avions du métier de professeur tourne au cauchemar. Une nouvelle idée par jour sort du chapeau de notre ministère (très certainement à l’heure du thé), et nous est livrée telle une énigme dont personne ne comprend la réelle finalité, mis à part le ministère (sans doute).
Même si on nous a toujours dit qu’à l’impossible nul n’est tenu, dans notre métier cette expression n’a plus de sens. Au pays merveilleux de l’absurdie, tout devient possible : imposer de nouvelles missions aux gens (que nous sommes) en échange de rien ou tout au mieux quelques miettes, suggérer à ces gens de faire entrer 150 heures dans 108, ou encore soumettre l’avenir de ces mêmes gens aux avis fantaisistes de tout un chacun. On arrive à faire croire que la priorité nationale est l’École alors que dans le même temps, tout est fait pour que les professeurs perdent la tête… Rien ne tourne dans le bon sens… Dans ce perpétuel flot de non-sens, la situation des professeurs est à pleurer.
Nous courons après le temps sans cesse juste pour réussir à assurer tant bien que mal notre mission première : apprendre à lire, à écrire et à compter. Mais nous n’avons plus le temps. Plus le temps de prendre le temps pour instruire correctement nos élèves avec le plaisir qu’un tel métier devrait nous apporter. Du temps ? Pourtant l’institution sait nous en prendre, pour nous obliger à nous concerter, à réfléchir, à blablater sur de l’inutile au lieu de nous laisser nous concentrer sur l’essentiel. Le ministère pourra ensuite se gargariser d’avoir créé des potions magiques… Potions magiques qui auront fait illusion mais qui n’auront servi à rien, sauf peut-être à pointer du doigt les coupables que nous sommes.
Non vraiment, il faut arrêter de prendre les professeurs des écoles pour des lapins, encore moins pour des lapins de 6 semaines. De plus en plus de « lapins » lassés de ne plus avoir voix au chapitre se sauvent, ils fuient, et plus que jamais l’espèce est en voie d’extinction. Pour reprendre hors contexte une citation de notre ancien ministre, Jean-Michel Blanquer, aujourd’hui plus que jamais dans l’Éducation nationale, « Il y a beaucoup de sauce et peu de lapin ».
C’est dans un peu plus de 6 semaines que le SNALC compte sur vous pour faire se réveiller l’École. En décembre 2022, votez SNALC.
Christophe GRUSON,
Secrétaire national SNALC premier degré